Les mythes sur le tabagisme et le vapotage
Interview professeur Berghmans
L'arrêt du tabac élimine-t-il complètement le risque de cancer du poumon ? Quel est le danger du vapotage pour les poumons ? Et où en est le traitement des patients atteints de cancer du poumon ?
Dans notre pays, 19,4 % de la population fume, dont 15,4 % quotidiennement. Dans 85-90 % des cas, le cancer du poumon est dû au tabagisme. Et bien que le nombre d'hommes qui fument ait diminué ces dernières années, le nombre de femmes qui fument a augmenté. Le cancer du poumon est donc le deuxième cancer le plus fréquent parmi les deux sexes.
"Dans notre pays, 19,4 % de la population fume, dont 15,4 % quotidiennement."
Quels sont les effets de la fumée de tabac sur les poumons ? Nous avons posé la question au professeur Thierry Berghmans, chef de l’unité fonctionelle d’oncologie thoracique, affilié à l'Institut Jules Bordet, à Bruxelles.
« La fumée de tabac se propage dans les poumons par des ramifications appelées bronches. Elle provoque des modifications des cellules qui favorisent le développement du cancer du poumon. La fumée de tabac contient de nombreuses substances toxiques, telles que le benzène, l'acétaldéhyde, l'acroléine, l'ammoniac.... Les substances contenues dans la fumée du tabac affectent le tissu pulmonaire et peuvent provoquer le cancer du poumon, ainsi que d'autres maladies telles que la BPCO et l'emphysème pulmonaire ».
Des études montrent que l'arrêt du tabac ne fait pas disparaître le risque de cancer du poumon du jour au lendemain. Pouvez-vous expliquer ?
« Le risque de cancer du poumon augmente proportionnellement à la quantité de cigarettes fumées par jour et quand le comportement tabagique se poursuit pendant des années. En arrêtant de fumer, le risque diminue lentement. Ce n'est qu'après des années que l'on peut dire que le risque est considérablement réduit, mais par rapport aux non-fumeurs, il restera toujours plus élevé. En revanche, si vous continuez à fumer, le risque de cancer du poumon ne fera qu'augmenter ».
« Il y a également d'autres effets. La fonction pulmonaire diminue avec l'âge, ce qui est une évolution normale. Mais si vous fumez, ce processus ne fait que s'accélérer. Et lorsque vous arrêtez de fumer, vous ne récupérez pas cette perte de fonction pulmonaire. Cependant, le déclin ultérieur de la fonction pulmonaire retrouve progressivement le rythme d'un non-fumeur. »
« Le tabagisme favorise également les problèmes cardiovasculaires. Le risque de problèmes au niveau des artères cardiaques et des artères périphériques augmente, et donc le risque d'infarctus, par exemple. Lorsque vous arrêtez de fumer, vous réduisez également ce risque ».
"Lorsque vous arrêtez de fumer, vous ne récupérez pas cette perte de fonction pulmonaire."
Le tabagisme est la principale cause de cancer du poumon, mais ce n'est pas la seule. Quelles sont les autres causes ?
« Nous ne devons certainement pas négliger le danger du tabagisme passif - les personnes qui ne fument pas mais qui sont exposées quotidiennement à la fumée de tabac parce que, par exemple, leur partenaire fume. Il est donc important de décourager le tabagisme pour ces personnes ».
« Parmi les autres causes, on trouve l'exposition à l'amiante, parfois présente dans l'environnement. Le radon est également un facteur de risque. Ce gaz est présent dans nos régions, par exemple dans la région au sud de la Sambre et de la Meuse ».
« De nombreux risques sont également liés à la vie professionnelle. Le CIRC - Centre international de recherche sur le cancer - les a répertoriés. Quoi qu'il en soit, le risque de cancer du poumon est doublé, voire multiplié, si l'on combine deux facteurs de risque, comme le tabagisme et l'exposition à l'amiante, par exemple ».
L'e-cigarette est apparue sur le marché comme une aide pour arrêter de fumer. Mais aujourd'hui, de plus en plus de jeunes vapotent, selon une enquête récente de l'Université d'Anvers : 11 % vapotent chaque semaine, 8 % chaque jour, et la majorité d'entre eux estiment que les risques sont faibles. Est-ce vrai ? Ou le vapotage entraînera-t-il plus de cancers du poumon à long terme ?
« Il est très difficile de répondre à cette question. Le sujet est débattu au sein de la communauté médicale depuis un certain temps. Il y a deux risques immédiats. Il y a des jeunes qui commencent à vapoter et qui passent ensuite à la consommation de tabac. Surtout s'ils vapotent avec un liquide contenant de la nicotine, cela peut entraîner une dépendance à la nicotine, tout comme le tabagisme. D'autre part, il existe un risque de maladie pulmonaire grave si l'on modifie soi-même la composition du liquide de vapotage. Heureusement, cela arrive rarement ».
« En ce qui concerne le vapotage en circulation aujourd'hui, nous manquons encore de recul pour nous prononcer sur les risques. Comme nous ne savons pas encore quels problèmes cela causera dans 20 ou 30 ans - un délai raisonnable pour considérer la survenue de pathologies chroniques - je déconseille aux jeunes de commencer à vapoter ».
« Nous ne disposons pas non plus de données de qualité suffisantes sur le vapotage en tant que méthode de sevrage tabagique pour affirmer que l'e-cigarette fonctionne de manière adéquate. Une étude récente va dans le bon sens, mais avec une e-cigarette, vous risquez toujours de rester dépendant à la nicotine. Actuellement, je ne préconise pas l'utilisation de l'e-cigarette en routine pour un sevrage tabagique.
"En ce qui concerne le vapotage en circulation aujourd'hui, nous manquons encore de recul pour nous prononcer sur les risques."
Le cancer du poumon est une maladie très complexe. Qu'est-ce que cela signifie pour les soins aux patients ?
« Nous sommes partis de deux grands types de cancer du poumon : les cancers du poumon à petites cellules et non à petites cellules. Aujourd'hui, grâce à la biologie moléculaire, nous pouvons distinguer beaucoup plus de types de maladies. Cela influe sur le choix du traitement, quel que soit le stade de la maladie ».
« L'une des grandes avancées est l'immunothérapie. Nous savons que cette thérapie est moins efficace chez les patients présentant certaines mutations au sein de la tumeur. En revanche, nous disposons de traitements à base de petites molécules très efficaces qui peuvent être administrées par voie orale pour certains des mutations tumorales. Mais aujourd'hui, pour arriver au bon traitement, il faut beaucoup plus d'éléments, beaucoup plus d'analyses. Cela demande plus de temps et plus de prélèvements de tissus. Ces biopsies ne sont pas toujours évidentes pour le patient et entraînent également un allongement du délai de mise en œuvre du traitement. Heureusement, les techniques évoluent rapidement et vont certainement permettre de raccourcir ce délai. Ainsi, les patients pourront bénéficier d’un traitement efficace permettant de contrôler la maladie pendant une longue période ou conduisant à une stratégie curative, comme dans les traitements périopératoires ».