La chirurgie peut être une option valable

Professeur em. Paul Van Schil

Interview avec le professeur em. Paul Van Schil

La chimiothérapie est sans nul doute le traitement le plus connu du cancer du poumon, mais certainement pas le seul. La chirurgie est une autre possibilité. Voilà qui mérite une explication.

Le Professeur émérite Paul Van Schil est titulaire de chaire en chirurgie thoracique et vasculaire à l’UAntwerpen et consultant à l’UZ Antwerpen. Il aborde tout d’abord la classification TNM des tumeurs.

En fonction du stade, les tumeurs sont catégorisées selon la classification dite TNM. De quoi s’agit-il ?

Paul Van Schil Dans la classification TNM, « T » représente la tumeur et « N » le nœud lymphatique, c’est-à-dire les ganglions lymphatiques - ce qui est important, car les tumeurs peuvent se propager à travers les ganglions lymphatiques. Le « M », métastase, renvoie aux disséminations à distance par voie sanguine. L’objectif principal de cette classification est d’établir un pronostic et pas vraiment de définir un traitement, même si ce dernier peut être adapté en conséquence. 

Pour le cancer du poumon, une neuvième édition de la classification vient maintenant affiner la précédente. Rien ne change pour le « T ». Il s’agit toujours de la taille de la tumeur et de savoir si la tumeur primaire - la tumeur elle-même - s’est étendue aux organes voisins. En revanche, un changement important concerne les nœuds lymphatiques (N). Si la tumeur s’étend juste à côté du poumon, on parle de ganglions lymphatiques hilaires. Une extension plus loin le long de la (jonction de la) trachée est également possible. Il s’agit des ganglions lymphatiques médiastinaux. Le médiastin est l’espace situé entre les deux poumons. Il s’agit d’une lésion N2, une lésion déjà plus éloignée. Celle-ci est désormais subdivisée en N2a et N2b. Au stade N2a, une seule station de ganglions lymphatiques dans le médiastin est touchée ; au stade N2b, plusieurs stations sont touchées et le pronostic est nettement moins favorable. D’où la subdivision, qui permet également un traitement différent. Certains patients N2a relèvent d’emblée de la chirurgie. Au stade N2b, on opte pour d’autres formes de traitement, par exemple une combinaison de chimiothérapie et de radiothérapie.

Pour ce qui concerne le « M », la subdivision comprenait traditionnellement des métastases limitées dans la poitrine elle-même (M1a) et une dissémination à distance (M1b), par exemple des métastases dans le cerveau ou dans les os. La troisième catégorie, celle des métastases multiples (M1c), est maintenant subdivisée en M1c1 et M1c2. M1c1 indique des métastases multiples dans un seul système organique, M1c2 indique des métastases multiples dans plus d’un système organique. Par exemple, des métastases dans la glande surrénale et le foie. 

La chirurgie mini-invasive et la chirurgie robotique sont-elles désormais aussi utilisées dans le traitement du cancer du poumon ?

Paul Van Schil Toute intervention chirurgicale vise une résection complète (Ro-resection), c’est-à-dire à l’ablation totale de la tumeur, avec des marges périphériques intactes au microscope et un prélèvement suffisant de ganglions environnants pour analyse pathologique.  

Les incisions étaient autrefois assez larges. Une incision thoracique (thoracotomie) nécessitait de couper plusieurs couches musculaires pour atteindre la tumeur entre les côtes. Cette pratique a évolué vers des interventions qui préservent les muscles afin de limiter autant que possible les lésions au niveau du muscle grand dorsal. La convalescence postopératoire est donc un peu plus douce.  

Ces 20 dernières années, nous avons évolué vers des procédures mini-invasives avec des incisions plus petites (ports thoraciques) permettant un accès à la cage thoracique pour effectuer une chirurgie oncologique de qualité via de plus petites incisions. Cette opération est réalisée à l’aide d’un équipement vidéo : la chirurgie thoracique assistée par vidéo (Video Assisted Thoratic Surgery, VATS). Une caméra est insérée par un port et les instruments par les ports environnants. Un écran de télévision (ou moniteur) nous permet d’observer l’intérieur afin de décider des interventions nécessaires et de suivre leur déroulement.  

Ces 20 dernières années, nous avons évolué vers des procédures mini-invasives avec des incisions plus petites.

Des procédures robotiques ont récemment été ajoutées, en l’occurrence la chirurgie thoracique assistée par robot (Robotic Assisted Thoratic Surgery, RATS), également avec également quelques incisions. L’un des principaux avantages est l’entrée de la double caméra par un seul port. Le médecin est assis à côté du patient, travaille sur une console et obtient une image tridimensionnelle. Des instruments très flexibles sont introduits par les autres ports. Cela permet d’opérer à l’intérieur du thorax, comme dans une chirurgie classique, mais avec des incisions plus petites. 

La vision à distance tridimensionnelle élargit les possibilités. Cette option est très valable et le patient se rétablit rapidement. La procédure doit toutefois être correcte d’un point de vue oncologique. La VATS et la RATS sont idéales pour les petites tumeurs limitées et non invasives qui ne se sont pas développées dans d’autres organes. Pour les tumeurs invasives de 9 à 10 cm, une thoracotomie avec préservation musculaire reste nécessaire, car il est impossible d’extraire de grosses tumeurs via une petite incision.  

Chaque patient doit être examiné individuellement pour choisir la meilleure voie d’accès et la méthode d’intervention optimale afin de garantir un traitement oncologique adéquat et un rétablissement rapide.

Les interventions préservant le poumon sont de plus en plus privilégiées. En quoi cela consiste-t-il ?

Paul Van Schil Il y a encore quelques années, la chirurgie classique était pratiquée chez les patients dont les réserves cardiaques et pulmonaires étaient suffisantes. Il s’agissait alors d’enlever un lobe pulmonaire (lobectomie). Le poumon droit comporte trois lobes, le poumon gauche deux lobes. Dans le cas de très grosses tumeurs, le poumon entier est parfois enlevé (pneumonectomie). 

Une étude réalisée en 1995 a mis en évidence un taux de rechutes (récidives) plus élevé lorsque moins d’un lobe était enlevé, de telle sorte que l’ablation d’un lobe complet est devenue le traitement de référence. À l’époque, en 1995, seules les grandes tumeurs étaient toutefois visibles, car les CT-scans et PET-scans sophistiqués d’aujourd’hui n’existaient pas encore. Le dépistage du cancer du poumon n’était pas non plus pratiqué. Depuis ces dernières années, les scans plus sophistiqués permettent de détecter de plus en plus de petites tumeurs, même inférieures à un centimètre. Reste alors à savoir si l’ablation d’un lobe complet est la meilleure approche. La chirurgie préservant le poumon, qui consiste à enlever moins de tissu pulmonaire, n’est-elle pas préférable ? 

"Depuis ces dernières années, les scans plus sophistiqués permettent de détecter de plus en plus de petites tumeurs, même inférieures à un centimètre."

Les lobes sont constitués de différents segments. Si l’on retire moins d’un lobe, on parle de résection segmentaire ou d’excision en coin. Un coin est comparable à une part de tarte et peut être extrait du tissu pulmonaire à l’aide d’une agrafeuse chirurgicale.  

Une étude japonaise et, plus récemment, une étude américaine ont comparé l’ablation d’un lobe du poumon à l’ablation d’un segment (coin) du poumon. Il en ressort que dans le cas d’une tumeur de moins de 2 cm sans atteinte ganglionnaire, l’ablation d’un segment ou d’un coin donne les mêmes résultats que l’ablation du lobe pulmonaire. Mieux encore : la survie est meilleure lorsque seul un segment est enlevé. La raison en est que de nombreux patients chez qui l’on a retiré un lobe pulmonaire sont décédés d’autres causes que le cancer primitif du poumon. Les résultats ne sont, bien sûr, comparables que s’il y a résection complète de la tumeur. Mais pour les petites tumeurs avec ganglions lymphatiques négatifs, les trois techniques sont donc valables.

Quel est le rôle de la chirurgie associée à d’autres thérapies ?

Paul Van Schil Dans toute l’évolution induite par l’immunothérapie, nous ne savons pas encore précisément quel est le rôle spécifique de la chirurgie. Il s’agit de plus en plus de traitements combinés : à la fois chimio, immunothérapie, chirurgie et radiothérapie ou éventuellement avec des thérapies ciblées. Ces dernières consistent à utiliser certains produits en fonction d’anomalies ou de mutations particulières de la tumeur.  

Il est généralement admis que la chirurgie immédiate est préférable pour les petites tumeurs qui peuvent être enlevées complètement (Ro-resection). Sur la base de l’examen pathologique et après une discussion multidisciplinaire, on peut ensuite opter pour un traitement de suivi par chimiothérapie, immunothérapie ou même radiothérapie en cas de mutations. Par exemple, s’il subsiste des ganglions positifs imprévus. Cette question doit être examinée au cas par cas.  

Autrefois, on administrait principalement une chimiothérapie adjuvante après l’opération pour les grosses tumeurs ou en présence de ganglions positifs. Les études ont cependant révélé un avantage de survie limité à long terme de 5 %. Ce résultat était comparable à celui obtenu en cas de chimiothérapie avant la chirurgie (chimiothérapie d’induction ou néo-adjuvante). Avec l’essor de l’immunothérapie, nous essayons de développer de nouveaux protocoles - préopératoires ou postopératoires - pour améliorer le pronostic.  

L’objectif n’est donc pas toujours de réduire la tumeur, mais d’améliorer la survie globale et d’éviter la formation rapide de métastases à distance. La question de savoir comment procéder exactement dans la pratique fait néanmoins encore l’objet de débats. Les études en cours apporteront une réponse plus précise.

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